Mon explication de vote sur le projet de loi « Climat et résilience »

Ce 29 juin 2021, je me suis exprimé à la tribune du Sénat pour expliquer l’opposition du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain à un un texte qui n’est pas à la hauteur de l’urgence des enjeux. Nous avons dû nous résigner à voter contre un projet de loi qui ne permettra ni à notre pays d’être en mesure de respecter les engagements climatiques de l’accord de Paris, ni d’associer l’action climatique nationale à une plus grande justice sociale. Pourtant, nous avons été la première force de propositions du Sénat en déposant des centaines d’amendements visant à donner à ce texte l’ampleur qu’il aurait dû avoir et surtout, à ne pas trahir les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

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Monsieur le Président, Madame la ministre, Mesdames, Messieurs les Rapporteurs, Mes chers collègues,

Nous voici au bout de ce marathon législatif qui s’est déroulé à un rythme effréné. Rythme qui, désormais, caractérise le travail parlementaire. Nous avions en tout et pour tout quinze jours pour changer la donne de ce projet de loi et rehausser ses ambitions.

La voie était étroite pour notre groupe Socialiste, écologiste et républicain même allié sur bon nombre de sujets à la gauche de cet hémicycle. D’un côté, la majorité présidentielle et le gouvernement qui persistent à amoindrir voire dénaturer les travaux éclairés de la Convention citoyenne pour le climat.

De l’autre, une majorité sénatoriale qui a bien tenté de se verdir sans y parvenir concrètement, s’embourbant dans un savant discours construit autour de « l’écologie punitive ». Belle trouvaille rhétorique pour justifier l’immobilisme.

Pourtant, mes chers collègues, le contexte dans lequel se sont déroulés nos débats aurait dû nous convaincre de la responsabilité écologique qui nous incombe : la canicule à Paris, les fuites d’un nouveau rapport du GIEC anticipant des « retombées cataclysmiques », ou encore le rapport Tirole-Blanchard qui pointe la « menace existentielle » que fait peser le réchauffement.

Les signes annonciateurs sont déjà là et nous continuons à disserter sur l’autorégulation des agents économiques, à multiplier les expérimentations sans définir de trajectoires claires, à ne pas entendre ce que nous disent les citoyens formés par les meilleurs experts que compte notre pays.

À force de sur-place, de communication, d’aveuglement devant les conséquences réelles du changement climatique, devant ce temps que nous laissons filer, nous fabriquons des usines à gaz, organisons notre propre impuissance avec le démantèlement d’EDF par exemple, au lieu de s’attaquer vraiment à la réduction des gaz à effet de serre. Comment voulons-nous revivifier notre démocratie lorsque nous nous condamnons à l’inaction ?

Lorsque le gouvernement abaisse sa Stratégie nationale bas carbone, lorsque nous n’assumons pas notre leadership écologique qui s’était manifesté lors du précédent quinquennat par les Accords de Paris. Et pourtant, voilà le ferment du nouvel universalisme français du XXIème siècle : l’écologie articulée à la justice sociale.

Le GIEC nous y invite : « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement. Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. ».

Ce projet de loi y participe-t-il ? Malheureusement, non. Ou trop fébrilement. Il ne s’agit pas d’être alarmiste mais réaliste, mes chers collègues. Nous ne pouvons que regretter que le Sénat, dans sa majorité, n’ait pas encore terminé sa mue écologique. Trop de vieux réflexes, trop de certitudes nous confinent encore à l’insécurité écologique.

Si bien que toute une jeunesse, touchée par la faiblesse générale de nos débats, en appelle aujourd’hui à ce que l’ensemble de la classe politique soit formée aux enjeux climatiques tout comme le furent les 150 citoyens tirés au sort.

Pour notre part, malgré le gros travail d’amendements que nous avons réalisé, nous n’avons pas réussi à convaincre la majorité sénatoriale du mouvement à faire pour corriger ce projet de loi d’affichage, parcellaire et insuffisant comparé à nos objectifs pour rester en deçà de 1,5 degré.

Nous pouvons tout de même nous réjouir de l’adoption de quelques-unes de nos propositions que nous semons depuis bientôt cinq ans. La patience a du bon me direz-vous, mais quel temps perdu !

Je pense pour exemples :

  • à l’introduction de critères sociaux dans l’affichage environnemental ;
  • au renforcement du contrôle des engagements des publicitaires ;
  • à l’introduction des objectifs de développement durable dans les principes de l’achat public ;
  • aux mesures relatives à la pollution des sols suite aux propositions de notre Commission d’enquête menée par Gisèle JOURDA ou encore à celles portées par Nicole BONNEFOY sur le régime des catastrophes naturelles.

Sur le titre III, nous avons également obtenu gain de cause pour :

  •  la création d’un prêt à taux zéro automobile pour alléger le reste à charge des ménages modestes ;
  • la réduction du taux de TVA pour le transport ferroviaire de voyageurs.

À noter toujours, le vote favorable de notre Haute assemblée sur la reconnaissance, chère à notre collègue Franck MONTAUGÉ, dans le code rural des externalités positives de l’agriculture et le développement des services environnementaux et d’aménagement des territoires ruraux. Nous considérons qu’il s’agit là d’une avancée très importante tout comme l’introduction dans notre politique en faveur de l’agriculture et l’alimentation de la nécessité de préserver nos agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés ne respectant pas les normes imposées par la règlementation européenne.

Toutefois, il est à craindre, au regard des avis défavorables du gouvernement, que ces quelques acquis ne seront pas consolidés en vue de la Commission mixte paritaire.

Par ailleurs, nos critiques sur l’absence de justice sociale demeurent tout aussi fondées deux semaines après notre examen.

Rien sur la résilience sociale que ce projet de loi aurait dû prévoir. N’oublions pas que le mouvement des gilets jaunes est issu de l’augmentation de la taxe carbone. Il avait conduit au gel de la trajectoire de la contribution carbone en 2019 : sans évaluation des impacts sociaux des mesures prises (en termes de pouvoir d’achat, d’emplois…), la transition écologique est condamnée à échouer, faute d’acceptabilité sociale.

Avis défavorables quant à nos propositions pour une « garantie à l’emploi vert », pour permettre la conversion écologique de notre modèle économique, plutôt que de reculer face au e-commerce et favoriser la casse sociale et environnementale. Nier la dimension solidaire de la transition écologique ne fera que renforcer les inégalités face au réchauffement climatique.

Je terminerai par une illustration très concrète de nos débats et qui démontre nos difficultés en tant qu’opposition à faire valoir le réalisme écologique : D’un côté, le gouvernement refuse d’élargir l’interdiction pour les trajets de moins de 2h30 prévu à l’art. 36 pour les vols en jets privés car – je cite Mme WARGON – cela « remettrait en cause la liberté d’aller et venir ». Ne touchons surtout pas aux ultra-privilégiés même quand il s’agit de défendre l’intérêt général.

De l’autre, la droite de cet hémicycle, tout en repoussant l’interdiction de location des logements classés F, crée un nouveau « congé pour travaux pour rénovation énergétique » des logements qui permettrait d’expulser très facilement un locataire…

Voilà l’écueil politique, voilà l’inertie, auquel nous sommes confrontés pour enclencher la transition écologique ET solidaire. Si le projet de loi contient des petits pas, il constitue un aveu terrible d’impuissance climatique et un véritable échec pour le gouvernement. Alors que la Convention citoyenne pour le climat était une très belle réussite démocratique, nous ne pouvons que regretter la faiblesse de sa traduction législative. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre.

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