Début de l’examen du projet de loi « climat » : le Sénat ne se montre pas à la hauteur des enjeux !

Après l’adoption du projet de loi « climat et résilience » par l’Assemblée nationale le 4 mai dernier, le débat s’est ouvert au Sénat ce 14 juin. La Chambre haute rendra son verdict définitif le 29 juin. Inspiré de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi se veut porteur de nombreuses mesures innovantes proposées par les 150 citoyens tirés au sort. Il est censé faire de la France un exemple en matière d’écologie et de protection de l’environnement. Mais la réalité sera-t-elle à la hauteur des espérances ? Alors que le gouvernement s’autocongratule de cette réforme « phare et si ambitieuse » qui vient clore le quinquennat d’Emmanuel Macron, le Haut Conseil pour le climat, le Conseil d’État, le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique social et environnemental, alertent sur les insuffisances du texte. De quoi remettre en question le caractère collectif de son écriture en concertation avec tous les acteurs.

Ces deux semaines de marathon ont débuté par la discussion générale sur l’ensemble du projet de loi. Elle s’est ouverte avec l’intervention de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, qui a tenté de placer la barre haut en présentant le texte aux sénateurs comme « une nouvelle pierre de cette République écologique que nous voulons pour notre pays », bien qu’elle ait déploré certaines modifications apportées par les sénateurs en commission qui en réduiraient l’ambition.

Je me suis exprimé au nom de mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, pour regretter que le texte fasse l’impasse sur des sujets importants comme le ferroviaire, l’eau, la forêt et qu’il n’aille pas assez loin sur d’autres, tels que la rénovation des logements, les lignes aériennes intérieures ou encore les véhicules thermiques. J’ai insisté sur l’absence de la question sociale et plus précisément de la justice sociale au sein d’un projet de loi inabouti et superflu qui risque de nous diriger vers une nouvelle défaite dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Lors de l’examen des articles, j’ai réussi à faire adopter deux amendements. Le premier permet la prise en compte de la rémunération des producteurs dans l’élaboration de l’affichage environnemental. Le second impose un affichage à la fois physique et dématérialisé pour plus de transparence. L’adoption de ces amendements donnera aux consommateurs un aperçu global de l’impact de la production et de la consommation des produits. Enfin, des sanctions ont été prévues dès lors que l’affichage ne respecterait pas les conditions fixées par la loi. Malgré ces avancées notoires, la droite a rejeté la plupart des mesures sociales que je portais, ainsi que notre volonté de réduire le temps de la phase d’expérimentation de l’affichage environnemental fixé à cinq ans.

De plus, les amendements qui visaient à introduire la notion d’économie sociale et solidaire dans la loi et à y faire inscrire la nécessité d’orienter les jeunes vers des modes de vie et de consommation plus sobres et durables, ont été rejetés par la majorité sénatoriale. Preuve que le modèle consumériste qui prédomine aujourd’hui n’est toujours pas remis en cause. J’ai tout de même réussi à faire en sorte que le fonds de réemploi solidaire soit entièrement destiné au financement de l’ESS, combat que je mène depuis près de deux ans.

J’ai également proposé des amendements visant à encadrer plus strictement la publicité des biens consommant des énergies fossiles et à donner aux élus la capacité de réguler les panneaux numériques des centres-villes. Ces amendements ont malheureusement tous été rejetés, excepté ceux visant à rendre plus visible pour le consommateur les conséquences de la production de textiles à base de microfibres plastiques, et à interdire la publicité portant sur les liaisons aériennes substituables par un trajet en train d’une durée inférieure à trois heures trente minutes.

A défaut d’avoir pu faire passer un amendement permettant la suppression dans tous les secteurs de l’audiovisuel de publicités pour des produits dont l’impact environnemental est négatif, j’ai fait adopter un amendement donnant compétence au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) pour évaluer et sanctionner si besoin le non respect des codes de bonne conduite pour la régulation de la publicité.

Toujours à propos de la publicité, les mesures qui portent sur la décentralisation du pouvoir de police aux maires en matière de publicité ont suscité de nombreux doutes quant au réel bénéfice qu’en tireraient les collectivités. Avec une large majorité, le Sénat a privilégié la démarche positive de demande expresse de compétences, qui ne seront donc pas accordées d’office aux maires, sauf refus, comme l’avait initialement prévu le Gouvernement.

Je regrette vivement la suppression de l’article 7, votée par la droite malgré l’opposition du Gouvernement, de la commission et des divers groupes de gauche. Il permettait aux collectivités d’encadrer la publicité et les enseignes situées à l’intérieur des vitrines des commerces. Seul un article additionnel a permis d’ajouter au code de l’environnement un volet spécifique relatif aux enseignes de publicité lumineuses.

Originellement prévue par l’article 9 du projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, l’expérimentation du dispositif « Oui pub » visait à diminuer le gaspillage de papier résultant de la publicité non lue distribuée dans les boîtes aux lettres. Le travail en commission a vidé l’article de sa substance en ne demandant à l’ADEME qu’une évaluation de la capacité de sanction du producteur si ce dernier ne respecte pas les objectifs de réduction de déchets papier.

Avec mes collègues du groupe socialiste écologiste et républicain mais également d’autres groupes politiques, nous avons tenté de restaurer la version adoptée par l’Assemblée nationale et de dépasser le stade de l’expérimentation en généralisant ce dispositif dès l’entrée en application de la loi Climat. Cependant, des précautions sont à prendre, c’est pourquoi j’ai appelé à voter en faveur de l’expérimentation du dispositif, de manière à en mesurer les impacts environnementaux, économiques et sociaux. Mais l’écologie qui défend un mode de vie moins consumériste ne convient pas au groupe LR, qui a définitivement abandonné le « Oui pub ».

L’examen du projet de loi s’est poursuivi avec des débats ciblant le développement de la vente en vrac et de la consigne du verre. Nous avons à ce sujet proposé de baisser le taux de TVA sur les produits vendus en vrac. Une demande qui nous sera refusée selon le principe de neutralité de la TVA. Par ailleurs, alors que l’article ne prévoit à l’horizon 2030 que 20% de surface de vente accordée aux produits en vrac dans les commerces de détail dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés, mes amendements entendaient revoir ces objectifs à la hausse.

Mais encore une fois, relever les ambitions du texte pour répondre aux propositions formulées par la Convention citoyenne ne semble pas à la portée du Gouvernement ni de la majorité sénatoriale de droite.

Concernant la consigne en verre, nous avons proposé des amendements ayant pour objet de territorialiser le dispositif et différencier sa mise en œuvre en fonction des différents gisements de déchets. Nous avons également émis le souhait d’inclure dans la loi la généralisation du dispositif à partir de 2025, mais aucun de ces amendements n’a été adopté.

Dernière chance pour faire adopter des propositions avant la fin de l’examen du Titre premier du projet de loi Climat, j’avais proposé un article additionnel après l’article 12 qui interdirait la mise sur le marché de bouteilles d’eau en plastique de moins de 50 centilitres. Une mesure trop ambitieuse pour que le Gouvernement et la majorité sénatoriale puissent l’accepter.

La poursuite de l’examen du texte et les débats qui animeront le Sénat au cours de ces prochains jours seront cruciaux dans la détermination du rythme que va s’imposer la France et des objectifs qu’elle va se fixer. La bataille s’annonce rude pour faire de ce projet de loi un compromis répondant aux attentes des citoyens inquiets de l’engagement trop faible de l’État français dans la lutte contre le dérèglement climatique. Jugées déjà insuffisantes à la sortie de l’Assemblée nationale, les mesures les plus significatives se sont vues supprimées ou largement amoindries par la majorité de droite au Sénat qui a considérablement affaibli le texte.

« Dans quelques années, nous comprendrons combien ce texte a fait bouger les lignes et permis d’accélérer les choses. » déclarait la ministre de la Transition écologique lors de la discussion générale. Mais il semble pourtant qu’à ce rythme, c’est le surplace qui nous attend, au mépris des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et de l’avenir de nos enfants.

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