Mon intervention dans la discussion générale du projet de loi « climat »

Ce 14 juin 2021, je suis intervenu à la tribune du Sénat dans le cadre de la discussion générale du projet de loi de lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat ». Au début de l’examen de ce texte, j’ai voulu dénoncer son manque d’ambition qui annonce une nouvelle défaite dans la lutte contre le changement climatique. Il ne transcrit que très partiellement les propositions de la convention citoyenne pour le climat, cette expérience inédite de démocratie participative a fait naître des attentes et des espérances qui ont été déçues.

Le groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain du Sénat, dont je suis le référent sur ce texte, a déposé des amendements pour améliorer le projet de loi dans de nombreux domaines. En effet, il est indispensable et urgent d’écrire dans la loi un volontarisme écologique à la hauteur des enjeux et de nos objectifs climatiques. J’aurai l’occasion d’y revenir ces deux prochaines semaines.

Vous pouvez visionner mon intervention :

Vous pouvez lire le texte de mon intervention :

Monsieur le Président, Madame la ministre, Mesdames, Messieurs les Rapporteurs, Mes chers collègues,

Malgré toutes les arguties de Madame la ministre, je crois bien que nous nous dirigeons vers une nouvelle défaite dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le Groupe socialiste, écologiste et républicain, que j’ai l’honneur de représenter ici, tentera bien sûr d’améliorer ce texte qui ne transcrit que très fébrilement les propositions de la Convention citoyenne pour le climat sans compter les « jokers » pavloviens du Président de la République.

Née du mouvement des gilets jaunes, cette expérience inédite de démocratie participative a fait naître des attentes et des espérances qui seront déçues en l’état du texte.

Missionnés par le Premier ministre d’alors, nos héliastes contemporains ont planché durant des mois sur la réduction des gaz à effet de serre et sur la justice climatique avec les meilleurs experts dont dispose notre pays.
Si bien que leur rapport et leurs propositions concrètes touchent là où le bât blesse : information du consommateur, régulation de la publicité, rehaussement des engagements des entreprises, décarbonation des mobilités, rénovation thermique des logements, transition agro-écologique, pénalisation des atteintes à l’environnement, etc.

Or, nous constatons que la justice sociale est la grande absente de ce texte. La titulature de votre ministère devrait pourtant rappeler à chacun de la nécessité d’une transition écologique ET solidaire ! Le refus initial d’une taxation sur les dividendes proposée par la Convention annonçait cette coupable lacune que les Rapporteurs pointent à juste titre.
Une nouvelle fois, ce vendredi dernier lors d’une audience au Conseil d’Etat, le rapporteur public a estimé que la plus haute juridiction administrative devait ordonner à l’exécutif « d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produite sur le territoire national » pour respecter les objectifs que nous avions fixés sous le quinquennat précédent !

Cette injonction prononcée juste avant l’examen de la loi Climat dans cet hémicycle replace utilement nos débats. Nous sommes nombreux sur ces bancs à espérer des « bougers » significatifs du gouvernement. Et nous représentons une majorité de Français qui souhaitent que leur pays retrouve la voie d’un leadership écologique.

C’est le moment, Madame la ministre, d’accorder votre discours d’autocongratulation à l’efficacité des mesures de ce texte.

D’ici la fin du mois de juin, le Conseil d’Etat pourrait ainsi rejoindre l’ensemble des organismes consultés qui jugent plus que sévèrement la copie gouvernementale : le CESE, le Haut Conseil pour le Climat, le Conseil national pour la transition écologique (CNTE) ont tous désavoué la faible ambition de ce projet de loi au regard la SNBC.

Vous me permettrez, Madame la ministre, de considérer que ces instances, moins conciliantes que le cabinet d’affaires Boston Consulting Group, sont bien plus dans le vrai. Et c’est en s’appuyant sur leur expertise démocratique et transparente que nous porterons dans le débat des amendements structurants.

Quelques exemples : En matière d’information du consommateur traitée dans le titre I, nous plaidons pour un affichage unique, simple à comprendre pour le citoyen-consommateur désireux de connaître la valeur environnementale de ses achats. Par ailleurs, vous ne serez pas surpris, l’inclusion de critères sociaux, de respect des droits humains dans la fabrication des biens et services nous paraît essentiel.

La responsabilité écologique ne peut s’émanciper d’une responsabilité sociale qui fait fi des conditions de travail. À l’heure de la casse du droit du travail par les plateformes numériques, il est temps de redonner aux citoyens les moyens d’une consommation éthique et durable.

De plus, il s’agira d’encadrer plus farouchement la publicité en dépassant les simples engagements volontaires. La mise en adéquation des messages publicitaires et des objectifs de développement durable (ODD) et ce, quel que soit le support afin d’éviter un déport de la publicité carbonée vers internet. Parallèlement, la création d’un fonds pour une publicité responsable que nous défendons pour développer l’éco-responsabilité et influer sur les comportements.

Nous insisterons aussi sur les délais des mesures proposées. Il est majeur de les raccourcir pour accélérer la transition et donner un calendrier de conversion clair aux acteurs privés qui sont d’ailleurs nombreux à se saisir de l’enjeu écologique.

Néanmoins, fixer un cap trop lointain affaiblit les stratégies de décarbonation et laisse trop de portes ouvertes au détricotage légistique tandis que des objectifs rapprochés obligent à l’action concrète. Le laisser-faire a démontré ses limites. C’est à la collectivité de définir la trajectoire. D’où, par exemple, notre volonté d’accélérer encore sur l’interdiction des plastiques à usage unique ou sur la rénovation thermique.

Cela peut apparaître comme une lapalissade mais nous connaissons bien ici toute la force d’une date inscrite dans la loi.

Sur le volet « Produire et Travailler », on ne peut que regretter les coupes sèches de la majorité sénatoriale. Au sortir de la Commission, il ne reste en effet quasiment plus rien du dialogue social et des clauses d’insertion dans les marchés publics pourtant adoptées à l’Assemblée.

Ainsi, pour dessiner un chemin différent entre ces deux majorités, nous porterons l’attention sur le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui, localement, constitue un outil efficace pour une transition écologique et inclusive. Pour anticiper les efforts, nous défendons la création d’une stratégie nationale concertée de programmation des emplois et des compétences de la transition écologique pour garantir la résilience de notre système économique si peu envisagé dans ce texte.

Pour la résilience toujours et la justice sociale, nous souhaitons créer une garantie à l’emploi vert. La démarche des territoires zéro chômeur entamé sous le précédent quinquennat a fait ses preuves. Nous proposons de nous en inspirer en développant massivement les éco-activités et réconcilier politique de l’emploi et transition écologique.

Le titre III a recueilli également toute notre attention car les mobilités figurent en bonne place de nos émissions de gaz à effet de serre. Favoriser les transports durables représente un enjeu immense pour lutter contre notre dépendance aux énergies fossiles. Développer le fret ferroviaire et fluvial – grands absents du texte – en créant une redevance kilométrique nationale pour les poids lourds, renforcer le malus poids des véhicules, réaffirmer le principe du « pollueur-payeur » acté par la loi de 2015, accompagner les ménages modestes pour renouveler leur voiture autant de solutions portées par notre groupe socialiste écologiste et républicain et qui constituent une alternative étayée et argumentée face à l’immobilisme.

Un dernier point : je veux bien sûr parler de l’abandon du crime d’écocide issu d’une proposition de loi de notre collègue Jérôme DURAIN. Le sujet est le respect du vivant et l’habitabilité de la terre. Ceux qui s’y attaquent doivent en payer les conséquences pour mettre fin à l’impunité écologique.

« À long terme, nous serons tous morts », disait Keynes pour expliquer l’horizon temporel des économistes. Dans « le temps du monde fini » dont parlait Paul Valéry dès 1931, nous n’avons pas d’autre moyen que de ménager les ressources naturelles pour les générations futures. Là est le réalisme écologique, là est la véritable révolution culturelle et qui, pour quelques temps encore, échappe aux tenants de l’immobilisme.

Nous tenterons, malgré tout, de vous convaincre pour que le Sénat s’inscrive dans la poursuite de la loi AGEC et démontre un volontarisme écologique à la hauteur des enjeux et de nos objectifs climatiques.

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