Ce 18 novembre 2020, je suis intervenu dans le cadre du débat portant sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), un an après sa création. J’ai interpellé Monsieur Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité, sur l’affaiblissement de l’État territorial, qui a renforcé les inégalités entre territoires, notamment en matière d’ingénierie.
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Texte de mon intervention :
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,
je remercie tout d’abord le groupe RDSE d’avoir permis la tenue de ce débat.
L’affaiblissement de l’État territorial a renforcé les inégalités en matière d’ingénierie et a contribué à ce sentiment d’abandon que, en tant qu’élus locaux, nous connaissons bien. L’ingénierie locale a souvent compensé efficacement ce retrait de l’État, mais de manière non uniforme.
Les collectivités les plus fragiles, dépourvues d’équipes et de moyens suffisants, sont amenées à se focaliser sur une logique où les dépenses d’investissement, l’ingénierie opérationnelle notamment, l’emportent sur les études en amont, alors que celles-ci permettent justement d’économiser des moyens en aval.
Face à cette situation, l’Agence nationale de la cohésion des territoires est apparue comme le remède à la désertion de l’ingénierie publique d’État.
En lieu et place du guichet unique annoncé et tant attendu par les élus locaux, l’ANCT serait une fabrique à projets à la main des préfets du département, apportant si elle le peut l’ingénierie nécessaire là où elle est défaillante. Ainsi, ce sont les territoires les plus vulnérables qui pourront bénéficier de l’ingénierie étatique, comme il est expliqué dans la feuille de route pour 2020 en date du 17 juin dernier.
Pour le moment, l’ANCT est, pour les élus, une espérance davantage qu’une réalité concrète, mais une espérance tout de même. Le programme Petites villes de demain vient tout juste d’être lancé, les comités locaux s’organisent, des « contrats de relance et de développement écologique » ont été promis par le Premier ministre lors du deuxième comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu samedi dernier.
Toutefois, concrètement, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser quelle complémentarité vous envisagez entre l’ingénierie locale et l’ingénierie nationale ? Va-t-il y avoir une contractualisation, une labellisation, une mutualisation ? L’ANCT sera-t-elle bientôt en capacité de fournir aux élus une cartographie exhaustive de tous les moyens d’ingénierie publique, au sens large du terme ?
Enfin – c’est le nerf de la guerre –, qui décidera, en dernier ressort, d’attribuer les crédits ? L’ANCT ? La Direction générale des collectivités locales, la DGCL ? Les comités locaux de cohésion territoriale ? Les comités régionaux des financeurs ?
Voilà des questions simples, que se posent les élus et qui appellent des réponses simples.
Réponse de M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Monsieur le sénateur Bigot, vous m’interrogez essentiellement sur l’articulation concrète entre l’offre d’ingénierie proposée par l’ANCT et l’ingénierie locale.
Dans plusieurs départements, je le disais tout à l’heure, ont été déployés des dispositifs d’ingénierie ou d’appui à l’ingénierie au profit des collectivités ; je pense par exemple à toutes les agences techniques départementales, mais aussi aux services, déjà en fonction dans plusieurs collectivités, qui réalisent ces missions dans des domaines parfois très larges.
Cette dynamique d’ingénierie territoriale réaffirme notamment la place du département – vous avez en face de vous un membre du Gouvernement qui est plutôt départementaliste, parce qu’il est issu d’un territoire rural – dans son rôle d’assistance technique aux collectivités territoriales.
L’offre de l’ANCT – je l’ai dit tout à l’heure à Mme Gatel, mais je le répète volontiers – n’a vraiment pas vocation à entrer en concurrence avec l’existant, au contraire : sa vocation est d’être complémentaire. C’est pourquoi chaque préfet de département arrête lui-même la composition des comités locaux de cohésion territoriale : il a la possibilité d’y intégrer tout acteur susceptible d’y apporter des compétences, un savoir, une expérience, afin de favoriser les mutualisations lorsqu’elles sont possibles – et elles sont possibles dans nombre de cas.
Il faut s’assurer qu’une collectivité qui a un besoin auquel il peut aisément être répondu avec des moyens existants localement ne passe pas à côté faute d’en avoir eu connaissance ; en effet, cela arrive. Il s’agit aussi de permettre aux dispositifs existants d’être pleinement mis en œuvre.
Ainsi, je le répète, la complémentarité avec l’ingénierie locale est constamment recherchée : l’ANCT propose une offre de services d’ingénierie sur mesure, qui n’est activée que lorsque l’offre d’ingénierie disponible localement ne suffit pas.
Elle est, en ce sens, particulièrement équitable : les départements qui n’ont pas été en mesure de mettre cette ingénierie en œuvre pour des raisons par exemple financières pourront bénéficier de compléments émanant de l’ANCT, qui prendra ainsi en compte l’ingénierie disponible auprès de ses opérateurs partenaires, l’ANAH, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, l’Agence de la transition écologique, ou Ademe, le Cérema, la Banque des territoires, mais aussi l’ingénierie proposée par les collectivités territoriales.
Permettre le parfait déploiement de l’offre existante localement et assurer la bonne connaissance des dispositifs existants : voilà les conditions d’interaction entre l’ingénierie déployée par l’agence, d’une part, et l’ingénierie locale, d’autre part.