Mon intervention en séance contre le Projet de loi ré-autorisant les néonicotinoïdes

Le Sénat a adopté ce 27 octobre 2020 le projet de loi ré-autorisant les néonicotinoïdes – un puissant insecticide utilisé en agriculture pour protéger les cultures des ravageurs –  pour les betteraves sucrières, quelques semaines seulement après son interdiction en France au 1er juillet 2020. Je me suis opposé fermement à ce texte gouvernemental qui constitue une régression environnementale inacceptable, à l’heure où tous les signaux de la biodiversité sont au rouge.

Je suis intervenu en séance pour dénoncer un texte placé sous l’impact de groupes de pression au mépris d’une politique environnementale qui se trouve aujourd’hui sérieusement altérée dans ses symboles et sa réalité.

J’ai également exprimé mes craintes que la dérogation envisagée par le Gouvernement pour la filière betteravière ne soit que la première d’une longue série. Elle ouvre la « boîte de Pandore » : en l’état, le texte ouvre la voie à d’autres types de dérogations.

L’impact des néonicotinoïdes sur la biodiversité, et particulièrement les pollinisateurs, n’est pourtant plus à démontrer. 300.000 ruches sont anéanties chaque année à cause de cet insecticide et de nombreuses études font une corrélation très claire entre la disparition de 85% des populations d’insectes et sa mise sur le marché depuis les années 1990 !

Votée dans la loi « Biodiversité » de 2016, cette interdiction était donc une nécessité qui doit être maintenue. Elle était assortie d’une période transitoire de 4 ans pour permettre aux filières agricoles de trouver des solutions alternatives. Tous les acteurs en étaient informés et personne n’a donc été pris au dépourvu.

Aujourd’hui, le Gouvernement fait le choix de la facilité. Nous sommes tous favorables au fait d’apporter un soutien à la filière de la betterave qui connaît une année 2020 difficile. Mais ce soutien doit se faire dans le sens de l’intérêt général, de façon réfléchie et en évitant l’écueil d’opposer économie et écologie ! Si le Gouvernement veut vraiment aider cette filière, il ne doit faire l’économie ni d’un soutien financier de court terme, ni d’une réflexion de fond sur sa structuration.

Par ailleurs, en réautorisant les néonicotinoïdes, la France perdrait son statut de leader mondial dans la lutte contre les néonicotinoïdes. Le Gouvernement, pour se justifier, répète sans cesse que d’autres pays européens utilisent ce type de dérogations. Mais faut-il suivre leur (mauvais) exemple au risque de décrédibiliser la parole de la France alors que l’UE se prépare à mettre en œuvre le Pacte vert européen, qui a pour objectif la diminution de moitié des pesticides et la défense de la biodiversité ?

Les députés et sénateurs socialistes proposaient pourtant une autre voie pour les betteraviers, sans néonicotinoïdes, qui n’a malheureusement pas été entendue par le Gouvernement. Ce « plan B comme betterave » reposait sur trois piliers : l’innovation commerciale, l’innovation économique et sociale et l’innovation agroécologique.

A court terme, nous demandons ainsi la création d’un fonds de solidarité de 100 M€ pour compenser les pertes de la filière. A moyen et long terme, nous préconisons une montée en gamme de la production sucrière, une structuration de la filière et la mise en œuvre de pratiques agriculturales adaptées pour faire face aux ravageurs.

Je regrette ce nouveau renoncement du Gouvernement en matière environnementale. Il faut cesser d’opposer écologie et économie car ces deux objectifs sont conciliables. Pour y parvenir, il faut porter de véritables projets de société et non des projets de loi de circonstance.

Vous pouvez visionner mon intervention : 

Texte de mon intervention :

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,

Il y a quatre années, le Parlement s’était prononcé pour l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes. Cette interdiction prévoyait des dérogations exceptionnelles s’achevant au 1er juillet 2020.

Alors que la nouvelle PAC votée récemment au Parlement européen ne répond pas aux enjeux environnementaux et climatiques, la France perd, avec la réautorisation des néonicotinoïdes, son rôle de leader en matière de lutte contre les pesticides.

Les lobbies ont donc gagné et gagneront. Si vous acceptez ce texte pour les betteraviers, que répondrez-vous à la filière noisette ?

Vous nous engagez dans une voie de renégociation permanente avec toutes les filières agricoles concernées par les semences enrobées.

Vous défendez ici même les arguments des agro-lobbies qui pourront, à leur tour, se prévaloir d’un discours gouvernemental assumé devant la représentation nationale.

Vous dévoyez la politique environnementale menée par vos prédécesseurs en actant un tel accommodement, un tel déni de toxicité de ces substances.

En avez-vous bien évalué l’impact environnemental d’une telle mesure ? Il y avait d’autres solutions que la démission législative privilégiée par le gouvernement.

Nous aurions pu soutenir financièrement la filière betterave grâce au plan de relance et l’accompagner dans sa transition puisqu’elle ne l’a pas fait d’elle-même. Mais au lieu de ça, vous proposez par ce texte de céder tout en bloc et de donner l’onction législative à une demande sectorielle. Cette loi fera figure de cas d’école pour le lobbying parlementaire.

Nous ne sommes pas ici dans la défense de l’intérêt général, Monsieur le ministre.

Pour toutes ces raisons, je vous invite mes chers collègues à voter contre cette loi d’exception anti-écologique téléguidé par un groupe de pression.

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