Alors que nous entrons dans ce qu’il est courant d’appeler le « marathon budgétaire », il me semble nécessaire de dresser un premier état de l’impact que ces débats pourront avoir pour les finances locales. En effet, même si rien ne sera définitivement voté avant la fin du mois de décembre, je tenais à vous faire part de quelques points de satisfaction, mais aussi d’inquiétudes, et des sujets sur lesquels je serai particulièrement vigilant.
- L’évolution des dotations
Certains points sont positifs. Je pense en particulier au maintien des dotations dont il ne faut pas nier l’importance même si leur effet concret pour chaque collectivité est parfois peu lisible voire inexistant. Cette stabilité n’obère en rien les limites de la définition de ces dotations et en particulier de la Dotation Globale de Fonctionnement. Je ne peux que regretter l’abandon par le Gouvernement de la réforme de la DGF. Du fait de la technicité d’un tel chantier, il est en effet fort peu probable qu’un seul quinquennat suffise en la matière. Il ne s’agit cependant pas d’un enjeu politicien mais d’une question de justice dans son calcul et d’une condition nécessaire à la stabilisation financière de nos collectivités et donc de nos politiques publiques locales.
Je note également que le système de l’enveloppe normée entraînera, du fait de la progression de la péréquation (DSR et DSU) des baisses de dotations pour certaines collectivités. Ce système n’est pas satisfaisant car il revient à opposer les collectivités les plus fragiles à celles disposant de davantage de moyens. Une plus grande péréquation est nécessaire, mais le groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain, auquel j’appartiens, considère qu’elle ne doit pas se faire à enveloppe constante mais au travers d’une progression des crédits, seule à même d’assurer une égalité réelle entre les territoires.
De plus, je conviens que si les prélèvements via les variables d’ajustement sont au plus bas dans ce projet de loi de finances pour 2021, l’effet cumulatif généré, année après année, contribue à minorer parfois durement les recettes de certaines collectivités. Ainsi, nous proposerons durant l’examen de ce budget, comme nous l’avons fait encore l’an dernier, des mécanismes compensatoires.
- Le pouvoir de taux des collectivités et la baisse des impôts de production
Au-delà de ces dotations « classiques », il faut évoquer la problématique de la fiscalité locale. Nous le savons tous, le Conseil constitutionnel a toujours refusé de reconnaitre l’existence d’une autonomie fiscale, lui préférant la notion d’autonomie financière des collectivités territoriales, fondée sur une « part prépondérante » de ressources propres qui n’a jamais été véritablement définie.
Dans cette logique, nous assistons petit à petit à une remise en cause de la fiscalité locale, qui se traduit par un recul significatif du pouvoir de taux des collectivités, au profit de dotations et notamment aujourd’hui d’affectations de part de TVA toujours plus conséquentes.
Le groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain estime que la baisse des impôts dits de production (CFE et CVAE en particulier) parachève cette évolution néfaste des ressources collectivités. Nous considérons que cette réforme, souhaitée par le gouvernement, remettrait durement en cause le pouvoir de taux des collectivités et nous nous y opposerons sans concession.
C’est également la réforme de la taxe sur l’électricité qui nous interpelle car elle aussi provoquerait une recentralisation et une baisse du pouvoir de taux du local. Je serai particulièrement vigilant avec mes collègues sur ce point.
En un mot comme en cent, je considère que la remise en cause du pouvoir de taux des collectivités territoriales doit aujourd’hui cesser.
- Le point sur la suppression de la taxe d’habitation
Durant l’exercice 2021, la suppression de la taxe d’habitation pour les 20% de foyers les plus aisés sera également engagée par une réduction de son montant de 30%. Notre groupe estime qu’il aurait été plus sage de reporter d’une année cette réforme, au titre de la solidarité nationale, eu égard au contexte économique et social, qui devrait appeler, comme nous n’avons de cesse de le répéter, à davantage de solidarité.
En la matière, nous notons que le gouvernement a pris l’engagement devant la commission des finances du Sénat, par la voix d’Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, de compenser à l’euro près la part intercommunale par la TVA, malgré la baisse de recettes subie par l’Etat en la matière à la suite de la crise économique.
Lors de l’examen du PLF pour 2020 l’an dernier, le Sénat dans son intégralité avait pointé l’absence d’anticipation et de prise en compte de l’évolution qu’aura la suppression programmée de la taxe d’habitation sur le potentiel fiscal des collectivités. Un mécanisme de neutralisation a été introduit dans le PLF pour 2021 pour éviter tout effet induit qui aggraverait les inégalités de traitement entre les collectivités. Nous veillerons à étudier le dispositif proposé par le gouvernement pour nous assurer de son caractère opérationnel.
- La compensation des effets fiscaux de la crise économique
De plus, le contexte économique actuel rend la situation très incertaine, au surplus car les impôts affectés aux collectivités, et en particulier la CVAE ou encore les DMTO, sont fluctuants et dépendent de ce contexte. Nous voulons avoir un débat avec le gouvernement sur les modalités de compensation des baisses de recettes que cette situation économique sans précédent engendre pour nos collectivités et pour les intercommunalités.
Enfin, je veux terminer ce propos en évoquant la compensation des dépenses des collectivités liées à la Covid-19. Je déplore que le gouvernement ait fait le choix de ne rien proposer dans son projet de loi de finances initial. L’Assemblée Nationale devrait préconiser l’application de pistes de compensation basées sur le rapport du député Cazeneuve et en particulier de son article 19. Sur ce point aussi, vous pouvez compter sur mon engagement le plus total.