Tribune : protégeons les travailleurs du déchet et ne perdons pas le cap de l’économie circulaire

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat m’a désigné pour co-piloter un groupe de travail consacré à la gestion des déchets face à la crise du COVID-19. Pour mener à bien ce travail, dont la vocation est avant tout de faire remonter les difficultés de ce secteur pour y apporter des réponses rapides, j’ai sollicité l’ensemble des EPCI et des syndicats du département afin de recueillir les problèmes qu’ils rencontrent en matière de gestion des déchets (ramassage, tri, traitement…).

Il me paraissait également utile de prendre connaissance des pratiques nouvelles élaborées face à la crise afin de pouvoir les soutenir si cela était nécessaire, les valoriser et les diffuser.

Dans ce cadre, j’ai également rédigé une tribune : « protégeons les travailleurs du déchet et ne perdons pas le cap de l’économie circulaire » que je vous invite à lire ci-après :

Le 13 avril dernier, le Président de la République a rendu un hommage appuyé à celles et ceux qui sont « en première ligne » et « en deuxième ligne » dans la « guerre sanitaire » et notamment les travailleurs du déchet.

Le confinement généralisé a mis en évidence de nombreux métiers sous-estimés pourtant si vitaux. Les métiers du déchet font partie de ces invisibles du quotidien. Les nombreuses marques de reconnaissance actent cette prise de conscience du service rendu par cette profession essentielle y compris dans des territoires comme le nôtre plutôt épargné par l’épidémie.

La gestion des déchets est en effet une question stratégique de premier plan et les élus locaux sont aux côtés des éboueurs, des ripeurs, des chauffeurs, l’ensemble des techniciens en charge de la collecte de nos déchets. Les collectivités locales ont adapté leur mode de collecte pour sécuriser au mieux leurs agents territoriaux tout en répondant à l’exigence de salubrité et d’hygiène publiques en vue de lutter contre la prolifération du virus.

Néanmoins, les collectivités locales et leurs groupements attendent de l’Etat un véritable engagement pour nos travailleurs du déchet qui sont aujourd’hui sur le pont.
En dépit des déclarations de la ministre de l’Ecologie en audition au Sénat qui a estimé qu’il n’était pas utile « de prévoir des dispositions supplémentaires, spécifiques à la période actuelle », des masques de bonne qualité demeurent cruellement nécessaires car les preuves scientifiques de l’exposition des collecteurs et trieurs aux particules fines et aux risques biologiques ne manquent pas. De son côté, le ministère du Travail dans son kit de lutte contre le Covid-19 recommande le port de lunettes pour les agents de collecte mais toujours pas de masques…

En application du principe de précaution, il faut d’urgence des masques pour les agents de collecte afin d’éviter la contamination de ces derniers. Les collectivités locales en ordre dispersé s’organisent en distribuant des masques. Toutefois, il faut que l’Etat supplée là où les collectivités ne sont pas en mesure de répondre aux besoins des agents de la collecte des déchets.

 Il faudra tirer toutes les conclusions des dysfonctionnements constatés et intégrer la culture du risque dans nos pratiques administratives capable d’assurer, en temps de crise, la continuité du service public. La création d’un schéma régional de gestion de crise constituerait une bonne idée. Il détaillerait les partenariats avec l’Etat, les services à conserver, les obligations en matière de stocks de protection, etc. 

Dans l’attente d’une réponse gouvernementale appropriée, nous, citoyens, pouvons agir à notre échelle en ayant chacun à l’esprit notre responsabilité sanitaire et la nécessité de porter un regard attentif sur les déchets que nous jetons en respectant les consignes de sécurité.

Par ailleurs, en raison de la fermeture de nombreuses déchetteries et centres de tri et de la période propice aux travaux de jardinage et de bricolage, nous assistons à la recrudescence de déchets sauvages, de « feux de jardin » interdits et à un relâchement sur les consignes de tri. Ainsi, à la faveur de la crise du covid-19, certains comportements engendrent des difficultés supplémentaires pour le service public des déchets sans compter les dommages sur l’environnement, dans l’eau et dans l’air. Gardons en mémoire cet adage : « le meilleur des déchets est celui que l’on ne produit pas ».

Devant une situation exceptionnelle qui bouleverse le système de collecte et le traitement des déchets, nous devons collectivement répondre par un civisme vertueux garantissant la salubrité et la santé publiques. Certaines situations sont plus difficiles que d’autres, en habitat collectif, chez les commerçants qui demeurent ouverts ou encore dans les bornes de collecte séparée tels que les vêtements, l’amoncellement est une réalité et il faut trouver une réponse d’urgence.

Un calendrier de déconfinement spécifique à la filière des déchets est désormais impérieux au regard de l’afflux massif que nous pouvons d’ores et déjà anticiper. Le redémarrage en amont des déchetteries et des centres de tri est à envisager. Ce calendrier devra à la fois respecter un cahier des charges sanitaires précis pour l’ensemble des acteurs de la chaîne du tri. L’Etat et ses services déconcentrés doivent, aux côtés des collectivités, apporter le soutien et la visibilité nécessaires au secteur circulaire.

Car nous ne devons pas perdre de vue ce « monde d’après » que représente l’économie circulaire. Cette crise sanitaire ne peut balayer en quelques semaines l’un des piliers de l’écologie politique de demain à savoir le recyclage, le réemploi, la réutilisation, la lutte contre le plastique à usage unique, des pans entiers d’une économie si fondamentale pour l’avenir de notre modèle de développement.

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