Mon intervention en séance sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le Projet de loi Lutte contre le gaspillage et économie circulaire

Ce 30 janvier 2020, je suis intervenu dans l’hémicycle dans le cadre du débat sur les conclusions de la commission mixte paritaire du projet de loi Lutte contre le gaspillage et économie circulaire. En qualité de chef de file pour le groupe socialiste et républicain, j’ai tenu à préciser, qu’au vu de l’urgence écologique et de l’épuisement de nos ressources, ce projet de loi laisse un goût d’inachevé, tant le chemin à parcourir reste long pour que notre modèle de production et de consommation soit plus vertueux et respectueux de l’environnement.

Vous pouvez visionner mon intervention : 

 

 

Texte de mon intervention :

Monsieur le Président,  Madame la ministre,  Madame la Rapporteure, Mes chers collègues,
 
Nous voici au bout de ce marathon législatif pour le dernier vote de la loi économie circulaire. Quel chemin parcouru Madame la ministre !
 
Je voudrais tout d’abord remercier le gouvernement d’avoir déposé ce texte en premier lieu du Sénat. Ce choix a, selon moi, été décisif dans la tournure qu’ont pris les débats et a permis de mettre la focale sur les territoires et les collectivités en charge de la gestion des déchets.
 
Je veux bien sûr parler de l’affaire de la consigne pour recyclage des bouteilles plastiques qui a constitué l’une des pommes de discorde de ce texte et qui, en raison de votre obstination, a monopolisé le débat. Contre mauvaise fortune bon cœur, cette mesure, inspirée par les grands industriels de la boisson, aura tout de même permis au Sénat de faire de la lutte contre les emballages plastiques l’un des axes structurant de ce projet de loi initialement muet sur ce point.

Je tiens d’ailleurs ici à saluer le travail que nous avons réalisé, Madame la Rapporteure, mes chers collègues, collectivement et en bonne intelligence sur ce titre définissant nos objectifs stratégiques de gestion et de prévention de la production des déchets. Je pense notamment à l’introduction d’un principe général dans le code de l’environnement selon lequel toutes les politiques publiques doivent fixer des actions à mettre en œuvre pour lutter contre la pollution des plastiques dans l’environnement et réduire l’exposition des populations aux particules de plastique.

Je regrette néanmoins que l’Assemblée nationale ait fait disparaître les objectifs de réduction chiffrés dès 2030 que nous avions fixés dans cet hémicycle. Désormais, le texte indique simplement – je cite – « La France se donne pour objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. »  Cette formulation légistique ne donne pas un cadre clair aux industriels et semble déjà s’excuser d’un futur échec.
 
Alors que la discussion de ce texte a eu le mérite de sensibiliser nos concitoyens et d’interroger nos modes de consommation ; alors que les initiatives locales se multiplient dans nos territoires, il est dommage de ne pas concrétiser cet engouement populaire dans la loi. L’enjeu est bien la réduction en amont des déchets et la montée en puissance du principe du pollueur-payeur défini par loi de transition énergétique de 2015.
 
Mais, revenons au point dur de la consigne. L’article 8 bis aujourd’hui réécrit est un compromis de nature à apaiser les tensions mais qui n’est pas optimal de notre point de vue. Toutefois, nous ne pouvions prendre le risque de faire échouer la commission mixte paritaire qui aurait laissé à la majorité de l’Assemblée nationale et au gouvernement les mains libres pour aller à l’encontre de la volonté des collectivités territoriales.
 
À ce propos, Madame la ministre, je tiens à préciser que les associations représentantes des collectivités ne sont pas des « lobbies ». Cette tentative de disqualification auprès de l’opinion publique a beaucoup ému les territoires.
 
Nous continuerons, Madame la ministre, à être extrêmement attentifs aux dispositions actées dans ce texte sur l’extension des consignes de tri d’ici 2023. Mais vous comprendrez que l’incertitude que vous avez créée avec votre projet de consigne initiale a eu pour effet de geler voire stopper les projets en cours et cela aura des conséquences certaines sur les objectifs à atteindre. Des aménagements pour préserver le service public des déchets seront probablement à prévoir lors de la prochaine législature…
 
Sur ces entrefaites et malgré tout, je crois que nous pouvons nous féliciter d’avoir contribué grandement à l’amélioration de ce texte.
 
D’un petit texte étriqué de 13 articles, le texte compte aujourd’hui près de 130 articles qui ont décuplé l’ambition initiale. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’un bel exemple de travail parlementaire et dans lequel notre assemblée a eu un rôle décisif. Cette contribution s’est d’ailleurs poursuivie à l’Assemblée où l’on a pu constater avec étonnement que certains amendements portés ici ont été désavoués par le gouvernement puis ont finalement reçu un avis favorable une fois déposés par des députés de la majorité… Nous avions semble-t-il trop de bonnes idées mes chers collègues…

Grâce à ce travail, les consommateurs auront désormais accès à des informations sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits qu’ils achètent (matière recyclée, ressources renouvelables, durabilité, compostabilité, réparabilité, possibilités de réemploi, recyclabilité ou encore présence de substances dangereuses).  

Des manques importants subsistent tels que le compteur d’usage des appareils électroménagers que nous avions réussi à faire adopter ici ou encore l’interdiction des plastiques fabriqués à partir de substances contenant des perturbateurs endocriniens avérés. Néanmoins, l’information du consommateur à ce sujet, notamment pour les femmes enceintes, progressera grâce à ce texte.

Autre point essentiel, la lutte contre le gaspillage alimentaire et non-alimentaire au titre II fait un bond en avant avec l’interdiction de détruire les invendus, pratique particulièrement inacceptable et choquante et surtout révélatrice d’un système de production inconscient de son impact écologique.

Le Titre III a également permis de renforcer les obligations des filières REP étendues à de nouveaux produits. Je regrette cependant la suppression d’une filière REP globale ou balai que j’avais fait adoptée pour couvrir l’ensemble des produits mis en marché. Il me semble en effet très paradoxal que les metteurs sur le marché de produits non recyclables ne contribuent pas à la gestion des déchets qu’ils génèrent alors même que les autres filières le font.

Par ailleurs, le fonds national unique de réemploi solidaire que nous avions voté des deux mains ici même a été abandonné au profit d’un dispositif à la main des éco-organismes – et donc des producteurs. Dommage pour le secteur de l’économie sociale et solidaire qui attendait un signal de confiance !

Enfin, dans le domaine de la lutte contre les dépôts sauvages, nous pouvons saluer la mise en place de nouveaux outils efficaces qui faciliteront le combat quotidien des élus locaux contre ce véritable fléau.

C’est donc sur ce bilan tout en contraste, que nous voterons tout de même pour ce texte qui, malgré les reculs et les refus constatés, demeure une loi favorable à la montée progressive d’une économie, à tout le moins, plus circulaire sans oser prendre le grand tournant écologique qu’attendent fortement les Français.

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