Mon intervention dans le cadre de la proposition de résolution relative à un projet de barrière écologique aux frontières de l’Union Européenne

Ce 14 janvier 2020, je suis intervenu dans les débats au Sénat sur la proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, demandant au Gouvernement de porter au niveau de l’Union européenne un projet de barrière écologique aux frontières. J’ai défendu la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne dans une logique de décarbonation de la production, d’équité et de redistribution.

Vous pouvez visionner mon intervention : 

Texte de mon intervention :

Monsieur le Président, Madame la ministre, Mes chers collègues,

Je remercie le groupe Les Républicains pour la discussion de cette proposition de résolution sur un sujet ô combien stratégique tant pour notre économie que pour le climat.

Mais avant d’aller plus avant, je souhaiterais faire un point de sémantique car les termes employés aussi bien dans l’exposé des motifs que dans la résolution elle-même, tendent à brouiller l’objet de la proposition. Vous évoquez à la suite des propos du candidat LR aux dernières élections européennes le terme de « barrière écologique » comme on parlait autrefois de « barrières douanières ». Je comprends bien l’attrait du mot barrière pour surmonter les réticences de nos voisins européens. 

Pourquoi ne pas franchir le pas du vocabulaire et parler plus distinctement à nos concitoyens en évoquant plus précisément de mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne ?

Il faudra bien un jour que, comme nous (l’avons porté) les avons portées sous la mandature précédente, les questions de fiscalité puissent enfin être adoptées au Conseil à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité. J’espère, Madame la ministre, que vous porterez cette position.
Car c’est bien de fiscalité écologique dont il s’agit ; et dans ce cas nous sommes d’accord. Nous avions également soutenu cette idée lors des élections européennes.

Le levier écologique constitue aujourd’hui l’outil fondamental pour modifier profondément le fonctionnement de l’Union européenne et la rendre plus à même de répondre aux demandes de protection de la part de nos concitoyens et de nos entreprises. Cette nouvelle politique commerciale doit être un outil au service de la transition écologique et climatique, conformément à nos objectifs de neutralité carbone.

L’Union européenne doit se saisir de cet outil aussi bien pour réguler nos importations que pour contraindre par la norme nos partenaires commerciaux. Le marché européen détient la taille critique pour avoir une véritable influence normative et ainsi accélérer la décarbonation de la production.
 
C’est une mesure d’équité concurrentielle dans le cadre du système d’échange de quotas de CO2. En clair, il s’agit de demander à tout importateur d’un produit qui est soumis au système communautaire d’échange de quotas d’émissions ou ETS (Emission Trading Scheme) quand il est produit en Europe, de se plier aux mêmes règles européennes que ses concurrents.
 
Le très sérieux Conseil des Prélèvements Obligatoires confirme, dans un rapport rendu en septembre dernier, que « les initiatives visant à doter l’Union européenne d’un mécanisme de protection commerciale à l’encontre des territoires non coopératifs devraient être soutenues. »
 
Le 9 janvier dernier, l’ADEME et l’OFCE ont publié une étude très intéressante qui tend à dessiner les contours d’une fiscalité carbone aux frontières qui pourrait être redistributive.
 
L’étude pose bien la problématique de la part des émissions importées dans notre empreinte carbone et la difficulté d’établir une comptabilité carbone fiable fidèle à la réalité du processus de production. Cette part de gaz à effet de serre caché(e)(s) de notre consommation constitue « un angle mort de la lutte contre le réchauffement climatique » qui de surcroît ne permet pas de mettre en valeur les efforts des Etats européens à réduire leurs émissions.

Ainsi, pour la France, indique la même étude, « la diminution constatée des émissions liées à la production nationale depuis plus de 15 ans, s’est accompagnée par une hausse continue de celles provenant des importations.

L’empreinte carbone des Français en 2015 serait ainsi équivalente à celle de 1995 et les émissions importées sont supérieures à celles issues de la production intérieure destinés à la consommation domestique. »

Ces conclusions justifient l’instauration d’un tel système de rééquilibrage fiscal aux frontières et démontrent qu’une redistribution totale et progressive de cette taxe aux ménages permettrait d’éviter certains écueils qui nous ont mené à la crise des gilets jaunes.
 
Ce mécanisme redistributif d’une future taxe carbone aux frontières me paraît être tout aussi important. Cette dimension redistributive semble malheureusement échapper aux auteurs de la proposition de résolution alors qu’elle me semble être au cœur de l’acceptabilité sociale d’une nouvelle fiscalité carbone et que sa mise en œuvre soit nationale ou européenne.
 
C’est une part du destin économique et politique de la construction européenne qui se joue au travers de la mise en place ou non de cette taxe carbone aux frontières. Espérons que celle-ci n’ait pas le même avenir que la taxe européenne sur les transactions financières ou encore celui du « veto climatique » qui devait être intégré dans le CETA…

Mercredi dernier, la Présidente de la Commission se serait rangée à l’idée d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Celui-ci viserait en priorité les secteurs de l’acier, du ciment, du papier-carton, du verre, de la chimie, et permettrait de lutter contre la concurrence déloyale (dumping écologique) mais aussi contre la tentation pour les entreprises européennes de transférer leur production et donc le carbone hors de l’UE.

À l’heure où nous parlons, votre souhait semble donc être exaucé. Mais une fois encore, quasiment rien sur la dimension redistributive des produits de cette taxe. Y aura-t-il un fléchage des recettes en direction des ménages européens les plus modestes souvent en situation de précarité énergétique ?
Il serait intéressant de connaître l’avis de la ministre sur ce point qui me paraît essentiel.
 
En conclusion, mes chers collègues, nous voterons donc pour cette proposition de résolution tout en regrettant la forme car le véhicule choisi ne permet pas de réaliser le travail de fond nécessaire à l’examen d’un débat aussi crucial pour l’avenir de l’Union européenne.
Je vous remercie.

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