Mon intervention dans le cadre du débat sur la proposition de loi relative à la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires

Je suis intervenu dans l’hémicycle ce 20 juin 2019 sur la proposition de loi relative à la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. J’ai dénoncé une orientation qui positionne cette agence comme un nouvel outil préfectoral qui aura pour conséquence de mettre sous tutelle les projets les collectivités. Ce texte n’est décidément pas à la hauteur ni des ambitions ni des attentes des acteurs locaux, notamment en ne leur donnant aucun poids dans la gouvernance de l’agence. Il risque d’engendrer de fortes déceptions. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste, nous nous sommes abstenus.

Vous pouvez visionner mon intervention : 

 

Texte de mon intervention :

Monsieur le Président,  Madame la Ministre,  Monsieur le Rapporteur,  Mes chers collègues,

Nous voici à l’ultime étape de l’examen de ce texte. Entre l’annonce initiale et son expression législative, celui-ci aura connu de multiples vicissitudes. Pourtant, la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires suscitait des interrogations, des craintes mais aussi énormément d’attentes.

Heureusement, le Sénat, chambre des territoires, a su remplir son office en améliorant significativement la proposition de loi initiale.

Annoncée comme l’antidote aux maux des territoires en difficulté, l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) ne présente en l’état qu’une fusion de trois opérateurs adossée à d’autres qui seront dedans sans y être. La superposition des acteurs à solliciter pour les collectivités persistera donc. On est bien loin des ambitions portées initialement par le rapport de Serge Morvan.

Le fonctionnement en silo des opérateurs de l’Etat est toujours à l’ordre du jour. Du couteau-suisse territorial très attendu par les élus locaux, cette proposition de loi accouche d’un mauvais ustensile qui, de surcroît, sera entièrement dans la main de l’Etat. On pouvait espérer mieux pour les territoires et pour la décentralisation.

Au-delà des inquiétudes sur les futurs moyens financiers de l’Agence exprimées brillamment par mon collègue Jean-Michel HOULLEGATE, je souhaiterais pour ma part insister sur les problématiques de gouvernance que posent cette nouvelle Agence et sur le refus obstiné et du gouvernement et de la majorité à l’Assemblée de donner aux élus locaux un poids significatif.

Hier, une tribune rédigée par une centaine de députés En Marche acclamait une nouvelle fois le gouvernement pour sa bonne politique à l’égard des collectivités locales…

L’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) tient une place particulière dans le discours gouvernemental. Elle concentre beaucoup d’espoirs et est perçue comme le remède au sentiment d’abandon vécu par bon nombre de nos élus locaux notamment dans les territoires ruraux. C’est la raison pour laquelle nous avions soutenu le principe de la création d’une telle agence comme l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée.

Il est vrai que l’ANCT aurait pu constituer ce guichet unique qui permettait de clarifier enfin le millefeuille d’agences étatiques, de faciliter les projets d’aménagement et d’apporter l’ingénierie nécessaire aux collectivités et à leurs groupements.

Au lieu de cela, l’ANCT se présente comme un nouvel outil préfectoral qui aura pour conséquence de mettre sous tutelle les projets les collectivités. C’est bien la logique descendante et à sens unique qui prime dans ce texte.

On aurait pu aller plus loin avec une gouvernance qui fasse la part belle aux collectivités. Il y a de réelles craintes d’une recentralisation autour de la figure du Préfet qui sera le délégué territorial de l’Agence (art. 5).

Et la question du fonctionnement du conseil d’administration de l’Agence, point d’achoppement de la Commission mixte paritaire, confirme bien cette volonté de l’Exécutif à l’article 3.

Au lieu de donner la main aux collectivités, le gouvernement par le biais de sa majorité campe fermement sur ses positions et empêchent les collectivités territoriales d’avoir le dernier mot. Les mécanismes de seconde délibération proposés aujourd’hui par le gouvernement dissimulent mal ce souhait de conserver la mainmise en toute occasion.

L’absence de représentants des collectivités territoriales dans le comité national de coordination de l’ANCT est éloquente de ce point de vue. Pourquoi donc avoir peur des élus locaux Madame la ministre surtout si cette Agence leur est dédiée ?

Nous représentons ici les territoires et nous vous le disons de manière quasi-unanime, acceptez un réel partenariat avec les élus ! N’ayez pas peur de l’intelligence territoriale qui, couplée à l’ingénierie de la future ANCT, pourrait être un atout de développement majeur des prochaines années.

La formule du « qui paie, décide » souvent avancée par votre gouvernement ne peut faire fi de la démocratie locale surtout que les collectivités porteuses de projets mettent bien sûr la main à la poche. À l’heure où les collectivités sont les fers de lance de la transition énergétique et écologique, créer une agence couperet pourrait avoir de fâcheuses conséquences.

Par ailleurs, êtes-vous bien sûre de ne pas créer ici un nouvel échelon administratif pour les collectivités ? Êtes-vous bien sûre de ne pas créer une nouvelle complexité pour nos élus qui renforcerait les frustrations existantes ? Attention aux désillusions !

En outre, pourquoi ne pas accepter que les Agences régionales de santé (ARS) aient toute leur place dans l’organisation de l’ANCT (art. 6 ter) ?

Vous connaissez la problématique de la désertification médicale qui, à l’instar de la raréfaction de nos services publics en zone rurale, est au cœur du sentiment d’abandon de la population face au « déménagement du territoire ». Les ARS pourraient utilement être mises à profit dans le dispositif de l’ANCT. Or, tout comme la ministre de la Santé Agnès Buzyn, vous persistez dans votre refus et dans votre vision technocratique de l’aménagement du territoire.

Ce texte n’est décidément pas à la hauteur ni des ambitions ni des attentes des acteurs locaux. Il risque d’engendrer de fortes déceptions, c’est pourquoi nous nous abstiendrons

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