Le 12 mars 2019, j’ai voté contre la proposition de loi « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations » comme je l’avais déjà fait en première lecture. Je veux rappeler mon opposition à un texte qui remet en cause la liberté de manifester, la liberté d’expression et la liberté d’aller et venir.
Certes, les forces de l’ordre sont aujourd’hui confrontées à des manifestations dont les formes diffèrent, à bien des égards, de celles que nous connaissions : plus spontanées, moins structurées et hétérogènes, mêlant des manifestants pacifiques, des délinquants et des provocateurs organisés.
Loin de tirer les conséquences de cette évolution, ce texte, qui n’a fait l’objet d’aucun travail préparatoire sérieux et approfondi soulevait, déjà de nombreuses craintes pour les libertés publiques après son adoption par le Sénat le 23 octobre 2018.
Il a été repris, contre toute attente par le Gouvernement en début d’année. Simple proposition d’affichage sans avenir, il est devenu un texte de circonstance, modifié et adopté dans la précipitation par l’Assemblée nationale.
Son examen par les députés, loin d’apaiser mes craintes, les a accrues soulevant des inquiétudes au sein même de la majorité au point qu’aujourd’hui c’est le Président de la République lui-même qui envisage de saisir le Conseil Constitutionnel.
Je dénonce la philosophie du texte qui assimile manifestants et casseurs et menace le droit de manifester. C’est un texte inutile, imprécis et dangereux.
Ainsi, le gouvernement veut créer une « interdiction administrative de manifester » : concrètement, ceci permettra aux Préfets d’interdire à certaines personnes de prendre part à une manifestation au seul motif qu’il existe « de sérieuses raisons de penser » que leur comportement serait susceptible de troubler l’ordre public. Comme les Préfets sont aux ordres du Gouvernement, c’est in fine le Gouvernement qui décidera qui peut ou non manifester, sur décision unilatérale.
En outre, le texte permet de procéder sur réquisition du procureur, à des fouilles des sacs et véhicules aux abords des manifestations afin de rechercher des « armes par destination », marteaux, boules de pétanque, etc…
Il crée également un délit de dissimulation volontaire du visage (totalement ou partiellement) puni d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende.
Cette proposition de loi est un texte de circonstance qui n’apporte pas de solutions réfléchies alors qu’il existe aujourd’hui dans notre arsenal législatif des réponses pénales pour punir le vandalisme en bande organisée.
Elle est la manifestation d’une dérive inquiétante, condamnée par l’ensemble des associations de défense des libertés.
Le droit de manifester est une liberté fondamentale, inscrite à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Je refuse qu’une liberté soit restreinte sur simple décision administrative. L’interdiction de manifester ne peut résulter que d’une décision judicaire.
Afin de veiller au respect des libertés fondamentales garanties dans tout état de droit, les parlementaires socialistes ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel.
Je veux réaffirmer mon attachement au droit de manifester qui s’inscrit dans le prolongement de la liberté d’expression, si fondamentale à notre République.