Le 31 octobre dernier, le Sénat débattait sur le préjudice représenté, pour les entreprises françaises, par la surtransposition du droit européen en droit interne. Dans un rapport publié en février 2017, intitulé « La simplification du droit : une exigence pour l’Union européenne », la commission des affaires européennes confirmait l’existence d’une forme d’exception française, le droit national allant au-delà des normes exigées par les directives ou adoptant une interprétation exigeante des règlements européens. Je suis intervenu dans ce débat pour appuyer une nécessaire simplification du droit là où c’est possible, tout en ne rognant pas trop hâtivement notre droit de l’environnement ou de la consommation sur l’autel de la concurrence libre et non faussée.
Texte de mon intervention :
Comme vous le soulignez très bien dans votre rapport, monsieur Danesi, les surtranspositions sont généralement assumées par l’État et le législateur, qui, par volonté politique, opte pour des dispositions plus restrictives ou des objectifs plus contraignants que la directive encadrant le domaine d’intervention, mais conformes à l’éthique de responsabilité et aux attentes des citoyens. Je pense, par exemple, à la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en France à 23 % en 2020 et à 32 % en 2030, alors que la directive du 23 avril 2009 ne fixait qu’un objectif minimal de 20 % en 2020.
Oui, c’est un choix politique, qui sous-tend d’ailleurs la montée en puissance de secteurs économiques qui ont besoin de ce type de signal pour prospérer ! Voilà un exemple de surtransposition bienvenue pour notre économie ! Le mécanisme n’est donc pas toujours en défaveur de nos entreprises.
Autre exemple : les pesticides. Je suis d’autant plus concerné par ce sujet que le Gouvernement vient de prendre la décision unilatérale d’interdire la substance active métam-sodium à la suite de l’intoxication de plusieurs dizaines de personnes provoquée par la pulvérisation de ce produit dans la commune de Brain-sur-l’Authion, dans mon département de Maine-et-Loire, pour préparer la culture de la mâche.
Je partage l’idée d’une nécessaire simplification du droit là où c’est possible. Mais attention à ne pas rogner trop hâtivement notre droit de l’environnement ou de la consommation sur l’autel de la concurrence libre et non faussée !
D’où ma question, madame la secrétaire d’État : le rapport de notre collègue propose par exemple dans sa recommandation première « de mieux associer le monde économique aux négociations sur les projets d’actes législatifs européens en amont de la transposition ». Mais il semble ici que l’on oublie les consommateurs et les usagers. Une solution équilibrée proposée par le Conseil d’État en 2016 semble plus adaptée, à savoir la création « d’un conseil unique d’évaluation des normes doté de trois collèges représentant les usagers, les collectivités territoriales et les entreprises ». Que pensez-vous de cette approche tripartite en matière de surtransposition ?
Réponse de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le sénateur, je partage avec vous l’idée selon laquelle il peut y avoir de très bonnes raisons de surtransposer, et ce afin de protéger les consommateurs ou de garantir des conditions de sécurité en matière environnementale ou sanitaire. Nous assumons ces standards plus protecteurs qui vont au-delà des normes européennes minimales, car ils répondent à nos préférences collectives pour mieux protéger les entreprises et les citoyens. Nous ne proposons donc pas, comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, une dé-surtransposition sauvage qui abandonnerait nos intérêts économiques, notre intérêt public ou notre souveraineté juridique.
Au regard de cette problématique de surtransposition, je rappelle que le Conseil national d’évaluation des normes, placé auprès du ministre de l’intérieur, associe largement non seulement le monde économique, mais également des représentants des consommateurs ou d’autres parties prenantes, par exemple les organisations non gouvernementales et les collectivités locales, pour justement mesurer, et pas uniquement dans une visée économique, la portée de ces normes.