Cette session parlementaire s’achève de manière assez mouvementée pour l’Exécutif. Le Sénat, dans ce tumulte médiatique digne des pires heures de « l’ancien monde », continue néanmoins de travailler. Je ne commenterai pas cette brûlante actualité mais rappellerai simplement ce principe essentiel de l’équilibre nécessaire des pouvoirs énoncé par Montesquieu dans L’Esprit des Lois : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir ».
En outre, je souhaite vous informer de mon activité législative récente et spécifiquement sur le projet de loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique (ELAN) dont l’examen a pris fin cette semaine au Sénat. Ce texte traite de questions très importantes pour la vie quotidienne de nos collectivités territoriales : l’urbanisme, le dispositif SRU, le logement social, la revitalisation des centres-villes, l’accessibilité des logements aux personnes en situation de handicap, etc.
En huit jours de débat, le Sénat a étudié plus d’un millier d’amendements qui a modifié le texte du gouvernement. Seul consensus au sein de l’hémicycle : affirmer le rôle des maires et des élus locaux. Ainsi, il m’a paru évident de maintenir la compétence « permis de construire » du maire, menacée dans le projet de loi initial.
Aussi, j’ai soutenu la nécessité de l’accord préalable avant toute vente d’immeubles de logements sociaux et supprimé toute mesure dérogatoire de nature à supplanter l’avis du maire. En tant qu’ancien maire, je reste viscéralement attaché au respect de la commune et suis convaincu que les élus locaux connaissent leur territoire. Autre exemple, j’ai soutenu l’abaissement du seuil de regroupement des organismes à 10.000 logements sociaux (au lieu de 15.000) et à 25M€ de chiffre d’affaire pour les SEM (au lieu de 50M€) afin de mieux respecter le maillage des territoires et les réalités locales. Ces dispositions ont été adoptées par le Sénat.
Concernant le logement, mon Groupe et moi-même avons défendu des positions tranchées sur l’accessibilité qui doit rester un objectif pour les logements neufs. Le gouvernement prévoit de porter à 10% seulement le nombre de logement qui devront être accessibles dans les nouveaux bâtiments d’habitation collectifs. Avec 6% de logements accessibles en France, cette mesure va à l’encontre de la nécessité de prendre en compte tant le handicap que le vieillissement de la population. Le texte issu de la discussion au Sénat a relevé ce seuil à 30%, ce qui ne me parait pas être une réponse pertinente. En effet, organiser ainsi l’offre de logements accessibles en fonction de quotas, c’est limiter la liberté de choix, des locataires handicapés, c’est rendre plus difficile la recherche d’un appartement accessible libre dans le secteur privé, c’est allonger les délais d’attente pour l’attribution d’un logement social.
Sur la protection du patrimoine bâti, nous n’avons pas réussi à rétablir le rôle des architectes des bâtiments de France et préserver l’avis conforme des ABF. Cette bataille s’est jouée à seulement 4 voix. En revanche, sur les questions de maîtrise d’ouvrage publique, nous avons convaincu la Chambre haute de supprimer les cas de dérogation à la loi MOP de 1985 pour les équipements publics. Mais la dérogation est maintenue pour les logements sociaux et les concours d’architecture supprimés. Cette mesure nous ramène aux années 1960 avec tous les errements de la construction anarchique que la France a connues et qui ont fait tant de mal au paysage urbain.
Je me suis également opposé au « bail mobilité ». Il existe un vrai risque que ce nouveau bail, couplé avec la location saisonnière de type Airbnb, détourne encore plus de logements du parc locatif et fragilise l’accès au logement. Par ailleurs, toutes les mesures protectrices d’ordre public du locataire s’appliquent uniquement si le logement est la résidence principale du locataire. Celui qui ne dispose pas d’un autre logement sera inévitablement mis en difficulté́ à la fin du bail. La mobilité́ devient alors forcée et augmentera la précarité des locataires.
La vente massive de logements sociaux à des investisseurs privés pose de nombreuses questions. Aucune régulation n’est envisagée : c’est la porte ouverte à la spéculation et à la recrudescence de copropriétés dégradées. De plus, c’est un véritable marché de dupes pour les locataires sachant que l’APL accession a été supprimée. Toutefois, deux amendements socialistes ont pu être adoptés : un premier pour renforcer les informations sur l’état des immeubles qui sont destinés à la vente et au besoin la liste des travaux à réaliser préalablement à la vente ; un second pour étendre l’information sur les plans de vente des organismes HLM aux EPCI.
Sur le dispositif SRU, de nombreuses dérogations ont été votées par la majorité sénatoriale et finissent par dénaturer une des lois les plus importantes pour la mixité sociale de notre pays. Pour ma part, j’ai veillé à défendre l’assouplissement des obligations SRU uniquement pour les communes nouvelles en allongeant raisonnablement les délais. Les communes nouvelles rencontrent en effet de véritables difficultés à honorer leurs obligations du fait de ce regroupement. Le débat sur cette question n’est pas terminé et trouvera sa solution lors de la réunion de la Commission mixte paritaire prévue en septembre prochain. Je serai très attentif à ce que la situation spécifique des communes nouvelles soit prise en compte la loi.
J’ai défendu plusieurs amendements pour lutter contre la précarité énergétique qui touche près de 20% de la population française (5,6 millions). Deux de mes amendements proposaient par exemple de donner l’impulsion de l’accompagnement par les collectivités et rétablissait l’expérimentation votée à l’Assemblée nationale d’une stratégie territoriale de résorption de la précarité́ énergétique. Le coût de l’énergie ne fait qu’augmenter dans le budget des ménages, il apparaît crucial de traiter cette problématique tant pour des raisons sociales qu’environnementales. Ils ont malheureusement été rejetés par la majorité du Sénat.
Enfin, j’ai fait adopter un amendement significatif qui permet de reconnaître les résidences OACAS (Organismes d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires) comme logement-foyer. Cette disposition permettra de de sécuriser les communautés d’Emmaüs qui accueillent des personnes en très grande précarité.
https://www.senat.fr/amendements/2017-2018/631/Amdt_621.html
Voici présentés rapidement les principaux enjeux de la loi ELAN qui demeure en discussion entre Assemblée nationale et Sénat. Au regard de l’importance de cette loi pour nos collectivités, je vous transmettrai à l’issue de son adoption définitive une fiche pratique qui vous permettra en un coup d’œil de maîtriser les différentes mesures de cette loi.
Je me tiens bien sûr à votre entière disposition pour échanger plus avant sur ce projet de loi.