Le Sénat a adopté en première lecture ce 26 juin 2018 le projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », faisant suite à son adoption par l’Assemblée nationale le 22 avril dernier. Je me suis opposé à ce texte dès sa présentation en Conseil des Ministres le 21 février. Répondant à l’appel des associations, je m’étais rendu le lendemain au « Chemin de traverse » à Angers, à la rencontre des bénévoles qui accueillent et accompagnent les personnes migrantes.
Je ne partage pas le sentiment que ce texte soit totalement équilibré. Les quelques rares avancées ne sauraient nous faire oublier que ses principales mesures dégradent les conditions de travail des associations et des instances administratives et fragilisent le droit d’asile que le gouvernement prétend pourtant défendre.
Comme le Conseil d’Etat l’a exprimé, je ne suis pas convaincu de l’opportunité d’une nouvelle loi, quelques mois seulement après celles du 7 mars 2016 et du 29 juillet 2015, d’autant que la réforme du régime d’asile européen commun est en cours de discussion au sein des institutions européennes et qu’il faudra probablement modifier l’actuel projet de loi dans quelques mois.
En instaurant une forme de « dissuasion migratoire », ce projet de loi marque une rupture avec la politique républicaine engagée sous le précédent quinquennat qui avait su concilier dignité de l’accueil des personnes et efficacité des procédures dans le respect de l’Etat de droit.
A l’occasion du débat parlementaire au Sénat, avec le groupe socialiste, nous avons fait des propositions afin qu’un véritable débat ait lieu. A une logique de gestion des flux, nous avons opposé la bataille de la dignité qui se fonde notamment sur une amélioration de la protection des migrants, l’organisation d’un premier accueil et la continuité de l’accompagnement.
Dès le début, malgré les objectifs affichés, la finalité de ce texte a été de décourager les demandeurs d’asile et de dissuader les migrants. Priver l’étranger de ses droits et dégrader ses conditions d’accueil et d’intégration est une impasse. Une telle mesure ne décourage pas les migrants et accentue la crise humanitaire.
Aux reniements du gouvernement, la droite sénatoriale a ajouté ses propositions de « durcissement» qui sont en réalité de « vieilles lunes », jamais mises en œuvre quand elle était aux responsabilités : suppression de l’aide médicale d’Etat au mépris des enjeux de santé publique, suppression des dispositifs d’intégration des étrangers en situation régulière ou durcissement des conditions du regroupement familial.
Le groupe socialiste a défendu une approche équilibrée en droits et en devoirs. Nous avons obtenu deux avancées majeures, qui constituent de simples maintiens du droit en vigueur : le délai de recours devant la CNDA est maintenu à 30 jours (article 6) ; et l’orientation directive du demandeur restera conditionnée à une proposition d’hébergement (article 9).
L’essentiel de nos amendements ont néanmoins été rejetés : réforme du dispositif de Dublin, réelle abrogation du délit de solidarité, interdiction de la rétention des mineurs et des personnes en situation de handicap, accès effectif au travail pour favoriser l’intégration ou création d’un délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile pour mettre fin à l’impunité des groupuscules extrémistes qui empêchent les personnes étrangères de solliciter l’asile.
L’esprit général du texte est donc conservé. La majorité de droite du Sénat l’ayant malheureusement encore durci dans de très nombreux domaines, il reviendra à l’Assemblée nationale de corriger, ou pas, les modifications opérées par le Sénat.