Ce 5 juin 2018, comme mes collègues sénateurs socialistes, j’ai voté contre le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire à l’issue de plusieurs jours de débat au Sénat. Nous avons présenté des amendements défendant l’organisation de la SNCF et son maintien en établissement public industriel et commercial (voir mes interventions en séance sur ce sujet), le statut des personnels et la nécessité d’une convention collective du ferroviaire ainsi que le rôle des gares et des petites lignes dans nos territoires.
L’examen du texte par la Haute assemblée a permis certaines avancées sur un projet de loi au départ très dur démontrant, une fois encore, le rôle des parlementaires des deux chambres pour améliorer la loi. Je veux tout particulièrement saluer le travail d’Olivier Jacquin, chef de file des sénateurs socialistes sur ce texte. Dans son explication de vote, il a reconnu de réelles avancées, tout en affirmant un vote de vigilance avant la Commission mixte paritaire et les prochaines discussions avec les organisations syndicales.
Ainsi, loin d’une opposition et d’une obstruction systématiques, nous avons soutenu de nombreuses idées nouvelles lors de ce débat : place croissante de l’intermodalité et des mobilités douces dans nos modes de déplacement, rôle des gares dans les territoires et nouvelles interactions à créer avec les collectivités, mise en œuvre d’un schéma de desserte d’intérêt national validé par le Parlement, garantie d’égalité entre les territoires, nécessité de mettre plus de démocratie dans la gouvernance de la SNCF et d’affirmer le rôle du Haut Comité du système de transport ferroviaire, créé en 2014, pour un fonctionnement plus transparent… Certaines de ces propositions ont été partiellement reprises par le Sénat.
Mais il a rappelé que cette réforme a été conçue à l’envers : la réforme ferroviaire devrait être la conséquence d’une loi d’orientation globale sur les mobilités. Aujourd’hui, nous assistons à l’inverse ! Ce texte n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État. La concertation n’est venue que grâce à la pression démocratique.
L’ensemble des progrès législatifs n’a été obtenu qu’en raison de la mobilisation syndicale et parlementaire forte, preuve de la nécessité de respecter les corps intermédiaires.
Mais de nombreuses questions importantes restent en suspens.
Qu’en est-il vraiment de l’avenir des petites lignes, de la capacité financière des régions, ou encore de la modulation des péages et de leur impact ? Qu’en est-il de la nouvelle trajectoire financière de la SNCF après l’annonce très récente du désendettement ? Qu’en est-il des conditions de transfert des personnels et de la réintégration possible chez l’opérateur historique ?
Par ailleurs, ce texte est très incomplet. Rien n’est proposé pour discriminer positivement le rail face à la route et à l’avion : dans un cas, l’usager paye une partie de l’infrastructure, pas dans les autres. À l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique et de la transition énergétique, c’est insuffisant.
De plus, un pacte ferroviaire digne de ce nom devrait concerner tout le rail. Or que constate-t-on ? Quasiment rien n’est dit sur le fret. Quant aux petites lignes et à l’aménagement du territoire, aux éventuels nouveaux développements, les imprécisions et incertitudes sont nombreuses.
En outre, la nouvelle organisation de la SNCF proposée risque, paradoxalement, d’affaiblir celle-ci, notamment en raison de cette règle d’or très stricte qui inquiète quant aux nouveaux projets de développement du rail, ou encore de la transformation en société anonyme qui va renchérir le coût du financement par une augmentation mécanique des taux d’intérêt. Rien ne nous permet d’imaginer que nous allons pouvoir sortir de la logique malthusienne qui prévaut depuis maintenant bien trop longtemps selon laquelle, régulièrement, on coupe des petites lignes et des services sur les tronçons moins fréquentés, atténuant ainsi l’effet réseau du rail.